Tusculan

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ἐρέω τε δηὗτε κοὐκ ἐρέω

καὶ μαίνομαι κοὐ μαίνομαι. (« J’aime à nouveau et je n’aime pas, et je suis fou et je ne suis pas fou. », Anacréon, Odes)

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Le linéaire B

Qu’est-ce que le linéaire B ?

Pour faire simple, disons que le linéaire B est une forme d’écriture découverte sur des tablettes de terre cuite lors de fouilles archéologiques en Crète et en Grèce continentale, notamment à Mycènes. On les date de la deuxième moitié du deuxième millénaire av. J.-C., de l’époque dite de la civilisation mycénienne.

Cette écriture n’a été déchiffrée que relativement récemment, en 1952, par le philologue anglais Michael Ventris qui a eu l’idée de considérer qu’elle transcrivait non une langue inconnue, mais du grec ancien (tout du moins un état antérieur de celui-ci). Il s’agit donc d’une écriture de la langue grecque telle qu’elle était parlée à l’époque mycénienne avant qu’elle ne soit notée quelques siècles plus tard avec l’alphabet (grec) que nous connaissons.

Elle se présente comme un syllabaire (voir ci-dessous), mais admet aussi quelques symboles compris comme des idéogrammes (voir ci-dessous). Ajoutons que certains symboles restent inconnus, faute d’avoir été déchiffrés (en raison, par exemple, d’un nombre trop faible d’occurrences ou d’une absence de contexte clair).

Dernière chose, son appellation. Le mot linéaire signale une écriture « en ligne », horizontale et qui suit le déroulement (chrono)logique de la parole. Quant à la lettre B, elle distingue cette écriture du linéaire A, une écriture assez proche, mais plus ancienne (première moitié du deuxième millénaire), servant sans doute à noter une langue parlée en Crète, qui n’a, quant à elle, toujours pas été déchiffrée.

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Le principe du syllabaire

Le Linéaire B est ce que l’on appelle un syllabaire. Il s’agit d’une forme particulière d’écriture dont la base est la syllabe. Rappelons qu’il existe différentes façons plus ou moins élaborées pour écrire une langue. Une grande partie du monde occidental utilise un alphabet, contitué de signes représentant chacun un son (voyelle ou consonne) et l’assemblage de ces signes permet de noter les mots et les phrases. Si l’alphabet latin est le plus couramment utilisé pour noter de nombreuses langues, il en existe d’autres dont l’alphabet grec, cyrillique, arabe, etc. D’autres systèmes d’écriture existent, comme les hiéroglyphes égyptiens (déchiffrés par Champollion au début du XIXe siècle) ou les idéogrammes chinois reposant tous deux sur des symboles graphiques qui représentent une idée, un mot, voire un son., système dont nous reparlerons ci-dessous.

Pour en revenir au syllabaire, le principe est simple à comprendre : chaque syllabe de la langue est représentée par un signe unique. D’une façon habituelle, une syllabe a pour noyau une voyelle (ou une diphtongue) qui peut être précédée et/ou suivie d’une ou plusieurs consonnes. Quelques exemples : [o], [do], [tʁi], [paʁ], [kwa], [bʁɛst] (ces syllabes sont des mots d’une syllabe pour illustrer mon propos – eau, do, tri, par, quoi, Brest – mais les syllabes s’ajoutent pour constituer des mots plus longs comme [vɛʁ-ty] – vertu – par exemple).

Revenons au linéaire B. Son syllabaire a la particularité de ne comporter que des syllabes ouvertes (une syllabe ouverte se termine par une voyelle – [do] – une syllabe fermée par une consonne – [paʁ]), donc toutes les syllabes du syllabaire se terminent par une voyelle. La langue ne comportait que cinq voyelles et, combinées aux consonnes (ou groupes de consonnes), on obtenait donc (théoriquement) des séries de cinq signes associant chaque signe aux cinq voyelles (par exemple [da], [de], [di], [do], [du]). S’ajoutent à ces voyelles des diphtongues, au moins deux, [ai] et [au] – rappelons que ces reconstitutions s’appuient sur l’idée qu’il s’agit d’un état antérieur de la langue grecque et que cela permet donc des rapprochements avec une langue connue.

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Le syllabaire

Voici donc les signes de ce syllabaire.

Je les ai classés par consonne initiale suivie de chacune des cinq voyelles (si certaines sont absentes, soit la syllabe n’existait pas, soit le signe qui la représentait n’a pas encore été identifié). L’ordre des consonnes est traditionnel, et j’ai placé à la suite de celles-ci les diphtongues, les consonnes combinées ou particulières. En cas de doute, j’ai mis un ?.

J’ai aussi indiqué un numéro d’ordre (n° B.) indiquant la place de la syllabe dans la classification qu’en fit le philologue américain Emmett L. Bennett (B. = Bennett).

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signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.)
𐀀 a 8 𐀁 e 38 𐀂 i 28 𐀃 o 61 𐀄 u 10
𐀅 da 1 𐀆 de 45 𐀇 di 7 𐀈 do 14 𐀉 du 51
𐀊 ya 57 𐀋 ye 46       𐀍 yo 36 𐀎 yu ? 65
𐀏 ka 77 𐀐 ke 44 𐀑 ki 67 𐀒 ko 70 𐀓 ku 81
𐀔 ma 80 𐀕 me 13 𐀖 mi 73 𐀗 mo 15 𐀘 mu 23
𐀙 na 6 𐀚 ne 24 𐀛 ni 30 𐀜 no 52 𐀝 nu 55
𐀞 pa 3 𐀟 pe 72 𐀠 pi 39 𐀡 po 11 𐀢 pu 50
𐀣 qa 16 𐀤 qe 78 𐀥 qi 21 𐀦 qo 32
𐀨 ra 60 𐀩 re 27 𐀪 ri 53 𐀫 ro 2 𐀬 ru 26
𐀭 sa 31 𐀮 se 9 𐀯 si 41 𐀰 so 12 𐀱 su 58
𐀲 ta 59 𐀳 te 4 𐀴 ti 37 𐀵 to 5 𐀶 tu 69
𐀷 wa 54 𐀸 we 75 𐀹 wi 40 𐀺 wo 42
𐀼 za 17 𐀽 ze 74       𐀿 zo 20
𐁀 ha 25
            𐁁 ai 43       𐁂 au 85
      𐁃 dwe 71       𐁄 dwo 90
𐁅 nwa 48
                        𐁆 phu 29
      𐁇 pte 62
𐁈 rya 76             𐁊 ryo 68
            𐁉 rai 33
𐁋 tya 66
      𐁌 twe 87       𐁍 two 91

À noter que toutes les consonnes présentes en grec n’apparaissent pas, certains signes pouvant noter des sons assez proches : b ou ph notés comme p, par exemple, ou r pouvant être lu comme l.

Nous remarquons également la présence de sons qui ont disparu dans la langue grecque (antique), mais dont on retrouve la trace et l’influence (notamment dans les textes homériques). Il s‘agit du yod et du wau notant les semi-consonnes (ou sonantes) y et w (ce dernier a disparu tardivement et l’écriture grecque a conservé une lettre le digamma noté Ϝ ou ϝ).

Signalons enfin que les dix dernières lignes représentent des signes optionnels, moins utilisés que les précédents.

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Le principe des idéogrammes

Parmi les signes du linéaire B, certains ont été compris, non comme des notations de syllabes, mais comme des symboles représentant une réalité, matérielle souvent, des animaux (bétail notamment), des végétaux (dont des céréales), des produits transformés (alimentaires pour certains), des métaux, des armes, des objets du quotidien. Il semble que ces idéogrammes n’aient pas de valeur « phonétique » (contrairement au syllabaire), mais permettaient de faciliter l’écriture de comptes, et d’ailleurs certaines des tablettes que j’évoquais ci-dessus comportent des listes établies par des sortes de comptables, ce qui correspond bien à ces réalités représentées.

Certains signes du syllabaire ont aussi une « valeur » idéographique, comme le signe yu (𐀎) associé à la « farine », le signe ni (𐀛) associé à la « figue », le signe qi (𐀥) associé au « mouton », le signe sa (𐀭) associé au « lin », le signe au (𐁂) associé au « cochon », le signe rai (𐁉) associé au « safran ».

On voit donc que ces idéogrammes représentent aussi un mot, mais la plupart sont indépendants du syllabaire et on a pu en identifier certains grâce à leur forme ou à des recoupements. Certains semblent issus de la combinaison de signes du syllabaire, comme 𐂙, où l’on peut lire 𐀕 (me) au dessus de 𐀪 (ri), c’est-à-dire me-ri où l’on reconnaît le grec ancien μέλι [meli] (le miel).

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Les idéogrammes

Commençons par deux idéogrammes représentant l’homme et la femme.

signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.)
𐂀 homme 100 𐂁 femme 102

Maintenant les animaux, souvent présentés par paire (mâle/femelle), à côté du nom de l’espèce. J’ai mis entre parenthèses les idéogrammes correspondant à des signes du syllabaire.

signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.)
𐂂 cerf 104
𐂃 cheval (espèce) 105 𐂄 jument 105F 𐂅 étalon 105M
(𐀥) mouton 106 (= 21) 𐂆 brebis 106F 𐂇 bélier 106M
(𐁒) chèvre (espèce) 107 (= 22) 𐂈 chèvre 107F 𐂉 bouc 107M
(𐁂) cochon 108 (= 85) 𐂊 truie 108F 𐂋 verrat 108M
(𐀘) bovin 109 (= 23) 𐂌 vache 109F 𐂍 taureau 109M

Quelques végétaux et autres produits (céréales, fruits, produits transformés...).

signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.)
𐂎 blé 120 𐂏 orge 121 (𐀎) farine (65)
𐂐 olive 122 𐂕 huile d’olive 130 (𐀛) figue (30)
𐂒 souchet 125 𐂓 fruit 127 𐂷 arbre 176
𐂖 vin 131 𐂙 miel 135 𐂤 fromage 156
𐂑 aromate 123 𐂔 safran 128 𐂘 onguent 133

Quelques métaux et autres matières.

signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.)
𐂚 bronze 140 𐂛 or 141 𐂠 corne 151
(𐀭) lin (31) 𐂝 laine 145 𐂧 tissu 169

Des vêtements et des armes.

signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.)
𐂪 tunique 162 𐂫 armure 163
𐃃 casque 191 𐃆 lance 230 𐃇 flèche 231
𐃉 poignard 233 𐃋 poignard retourné 236 𐃘 fléchette 254

Des moyens de transport et du mobilier.

signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.) signe valeur n° (B.)
𐃌 char avec roues 240 𐃍 char sans roue 241 𐃎 cadre de char 242
𐃏 roue 243 𐃄 tabouret 220 𐃅 baignoire 225

Voilà donc une liste bien fournie des idéogrammes déchiffés, classés par thème. Je rappelle que certains ne sont toujours pas identifiés.

Il reste une dernière série d’idéogrammes représentant des récipients à (forme et) usage divers : grains, eau, vin, huile et autres denrées à coserver ou consommer.

signe n° (B.) signe n° (B.) signe n° (B.) signe n° (B.) signe n° (B.)
𐃞 155 𐃟 200 𐃠 201 𐃡 202 𐃢 203
𐃣 204 𐃤 205 𐃥 206 𐃦 207 𐃧 208
𐃨 209 𐃩 210 𐃪 211 𐃫 212 𐃬 213
𐃭 214 𐃮 215 𐃯 216 𐃰 217 𐃱 218
𐃲 219 𐃳 221 𐃴 222 𐃵 226 𐃶 227
𐃷 228 𐃸 229 𐃹 250

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