j’ai vieilli dans la misère et dans l’opprobre, n’ayant que la moitié d’un derrière, me souvenant toujours que j’étais fille d’un pape... (Voltaire, Candide)
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Ce qui suit est volontairement long, pour des raisons pédagogiques, car des explications détaillées m’ont semblé nécessaires.
Voici tout d’abord les textes :
Maintenant, quelques exemples de questions mettant en application la méthode.
Le sujet pourrait se présenter ainsi (je n’ai pas traité les travaux d’écriture ; d’autre part, c’est un sujet pour premières technologiques, mais le principe est le même) :
Pour répondre aux questions, nous allons suivre les étapes de la méthode (je passerai sur la lecture !) ; il faut donc :
– Chercher le sens des mots inconnus (ici gisant, cure, tribut, chiches, se vautrer, bât, paître ;
– Comprendre la périphrase « payer le tribut à Nature » (mourir), le double sens de « paillard » (qui vit dans la paille/grivois), le surnom de « Grison », en raison de la couleur de la robe de l’animal... ;
– Se souvenir qu’au XVIIe, les médecins ont mauvaise réputation, le monde agricole occupe une grande place... ;
– Relier ces textes à l’objet d’étude cité dans le sujet : ce sont des apologues, forme d’argumentation indirecte, s’appuyant sur une morale illustrée par un récit bref et vivant (on peut déjà repérer les morales de chaque texte, explicite dans le deuxième – premier vers plus les quatre derniers – plutôt implicite dans les deux autres, ainsi que les parties narratives) ;
– Repérer le registre satirique et comique ;
– Tirer une première conclusion : des textes assez proches inscrits dans le quotidien, correspondant bien au genre de l’apologue, même si ces fables ne mettent que peu d’animaux en scène (les humains sont souvent exclus de ce genre littéraire).
Si, maintenant, nous nous intéressons à la première question, voici comment nous allons procéder :
– L’analyse de la question nous incite à identifier trois termes importants place, morale et fables ; nous nous sommes déjà intéressés au deux derniers (quelle chance !), quant au premier, son sens ne laisse quère de doute : nous devons interpréter l’emplacement de la morale au sein de la fable ;
– Nous allons pouvoir noter ou surligner les vers contenant une morale, par exemple les paroles des deux médecins dans les deux derniers vers du texte A, les vers repérés précédemment dans le texte B et les deux derniers vers du texte C ;
– Interprétons maintenant nos éléments de réponse : pas de morale explicite dans le texte A, mais plutôt une critique d’une médecine peu crédible et surtout fatale au patient à travers deux médecins aux avis contradictoires ; une morale explicite dans la fable B exprimée sous forme proverbiale au premier vers, reprenant une idée traditionnelle (« il faut se contenter de ce que l’on a et ne pas avoir de désirs excessifs ») reprise sous la forme d’une leçon en fin de fable qui complète le récit en introduisant une allusion à l’actualité (rapide faillite de compagnies maritimes récemment créées) ; enfin une morale presque implicite à la fin du texte C, appelant à une désobéissance contre les « Maîtres », les puissants qui sont semblables quels qu’ils soient, même s’ils accordent quelque liberté à leurs serviteurs qui doivent en profiter !
Passons à la deuxième question :
– Les mots importants sont emploi des temps et récit, ils ne présentent aucune difficulté de compréhension : il suffit de revoir les valeurs des temps verbaux et de se souvenir des caractéristiques d’un récit ;
– Nous relevons ensuite les verbes utilisés, en éliminant ceux tirés de discours prononcés, puisque ceux-là n’appartiennent pas à la catégorie du récit (ces formes sont barrées dans la liste ci-après) : imparfait de l’indicatif (« allait/visitait/espérait/triomphaient/disait(2 fois) - pondait/avait/rapportaient »), passé simple (« paya - crut/tua/ouvrit/trouva - aperçut/dit (3 fois)/répondit/prit »), présent de l’indicatif (« - / / - lâche/se rue/vient/ / / »), conditionnel présent(« irait/ »), passé composé (« a[...]vus/sont devenus »), impératif présent (« / / »), subjonctif présent (« »), imparfait (« soutînt ») et plus-que-parfait (« »), indicatif plus-que-parfait (« ») et passé antérieur (« eut été cru »), futur (« »), infinitif présent (« voir (2 fois) - / /vouloir/être - / », gérondif (« - en passant ») participe présent (« se vautrant/grattant/frottant/gambadant/chantant/broutant/faisant ») et passé (« s’étant trouvés - s’étant [...] ôté ») – j’ai essayé d’être exhaustif, cela peut paraître long, mais il faut deux minutes pour tout surligner ;
– À présent, nous pouvons expliquer les formes relevées : opposition habituelle passé simple/imparfait dans la narration (action principale, ponctuelle et unique/secondaire, longue ou répétée), du présent de narration à la place du passé simple et en alternance avec celui-ci dans le texte C, des participes présents pour multiplier les actions simultanées dans ce même texte... Le reste est moins pertinent et ne sera pas utilisé dans la réponse
Nous arrivons au bout de l’exemple ; il reste à rédiger les deux réponses. Si ce qui précède paraît long, c’est pour la simple raison que j’ai détaillé avec (trop de ?) précision toutes les étapes de ma démarche pédagogique ! Il me semble inutile de préciser tous les éléments des réponses.
1. Le corpus proposé à notre étude comporte trois fables publiées par La Fontaine en 1668, respectivement intitulées « Les Médecins », « La Poule aux œufs d’or » et « Le Vieillard et l’Âne » ; ces textes s’inscrivent dans le cadre de l’objet d’étude « La question de l’Homme dans les genres de l’argumentation du XVIème à nos jours », et sont des apologues, courts récits comportant une morale. Celle-ci n’apparaît pas à une place déterminée au sein de la fable, puisque le fabuliste la place parfois au début, parfois à la fin de son texte.
En effet, nous remarquons que la deuxième fable « La Poule aux œufs d’or » commence par un vers s’apparentant à une expression proverbiale : L’Avarice perd tout en voulant tout gagner. Il s’agit effectivement de la morale, que le fabuliste illustre à l’aide d’un récit, comme il l’affirme aux vers suivants, récit qui apparaît donc comme un exemple. Cette morale incite à se contenter de ce que l’on possède, puisque le risque est grand de perdre ce bien si l’on cherche à en acquérir davantage.
Par ailleurs, les quatre derniers vers de cette même fable constituent une morale « secondaire » que La Fontaine tire du récit qu’il vient de proposer : l’idée est moins générale qu’au premier vers, puisqu’elle concerne un fait d’actualité. D’autre part, nous observons que la fable « Le Vieillard et l’Âne » comporte également une morale à la fin, mais s’ouvre directement sur la partie narrative ; cette morale, proférée par l’Âne, Notre ennemi, c’est notre Maître :
Je vous le dis en bon François. rappelle que les puissants, quels qu’ils soient sont les adversaires du peuple qui les sert et qui veut apprécier le peu de liberté qu’on lui accorde. C’est donc l’un des personnages, et non le fabuliste lui-même qui établit cette morale. Nous retrouvons ces mêmes caractéristiques dans l’autre fable « Les Médecins », mais la morale est beaucoup moins explicite ; en effet, nous trouvons deux morales situées à la fin et prononcées par deux personnages différents : L’un disait : Il est mort, je l’avais bien prévu.
— S’il m’eût cru, disait l’autre, il serait plein de vie. Or, chaque médecin tire sa propre morale, et les deux se contredisent ; ainsi La Fontaine peut-il railler avec ironie la médecine incapable de soigner ses patients. L’absence de morale donne donc davantage de force au dénouement.
Ainsi avons-nous vu que la place de la morale dans une fable dépend des choix narratifs et didactiques du fabuliste.
2. Les trois fables du corpus sont des apologues, dont les morales, plus ou explicites, sont illustrées chacune par un récit bref et vivant, que La Fontaine met en valeur grâce aux temps verbaux qu’il utilise.
Tout d’abord, nous notons dans les trois textes la présence du passé simple, avec sa valeur habituelle : des actions importantes (par exemple dans « Les Médecins », le seul verbe au passé simple, « paya », au vers 6, rappelle le drame, la mort du malade), des actions uniques (dans « La Poule aux œufs d’or », le vers 6 comporte une accumulation, « [i]l la tua, l’ouvrit et la trouva [...] » qui renforce la rapidité de la succession des faits ; dans l’autre fable, les verbes introducteurs du dialogue sont au passé simple).
Ce passé simple est associé, comme toujours à l’imparfait de l’indicatif, autre temps du passé, dont les valeurs sont différentes : actions secondaires et duratives (dans « Les Médecins », au vers 1 à 3, « allait, visitait, espérait », par exemple) ou répétitives (la forme « pondait » au vers 4 de « La Poule aux œufs d’or ».
Enfin, nous remarquons la présence de présent de narration dans « Le Vieillard et l’Âne » à partir du vers 3 (« lâche, se rue, vient ») qui redent le récit plus vif en remplaçant le passé simple du vers 1, et plus rapide, en se combinant avec une accumulation de sept participes présents aux vers 5 à 7, Se vautrant, grattant, et frottant,
Gambadant, chantant, et broutant,
Et faisant [...] qui rappellent la joie que ressent l’animal en liberté.
Les temps utilisés dans ce corpus sont donc traditionnels avec quelques effets de variation.