Suave, mari magno turbantibus aequora ventis
e terra magnum alterius spectare laborem (« il est doux, lorsque sur la vaste mer les flots sont agités par les vents, de regarder depuis la terre le grand labeur d’autrui », Lucrèce, De la Nature)
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Rome a connu trois types de rĂ©gime politique successifs ; le premier d’entre eux a été la royauté. Sept rois, à la frontière entre légende et histoire, ont occupé le trône entre la fondation de la Ville (– 753, selon la tradition) et le début de la République (– 509).
Le premier roi de Rome est bien connu. Son existence semble avérée, mais beaucoup d’éléments se rapportant à sa personne et à ses exploits relèvent de la légende. Rappelons d’abord son origine supposée.
On raconte que ses parents étaient Mars, le dieu de la guerre, et une certaine Rhéa Silvia (Rhea Silvia). Cette jeune fille possédait une ascendance prestigieuse, puisque son ancêtre n’était autre qu’Énée (Aeneas), le héros troyen venu sur les côtes italiques fonder, après la chute de sa cité, une nouvelle Troie, comme le raconte l’épopée de Virgile, l’Énéide. Son fils, Ascagne (Ascanius), aussi appelé Iule (Iulus) (dont la famille de Jules César prétendait être issue, revendiquant ainsi une origine divine, puisque la mère d’Énée était la déesse Vénus), fonda une cité, nommée Albe-la-Longue (Alba Longa) à une vingtaine de kilomètres de l’emplacement où se dressera un jour la ville de Rome. Les descendants d’Ascagne se succédèrent sur le trône d’Albe-la-Longue (pendant 400 ans, nous dit la légende), jusqu’à un certain Numitor.
Numitor reçut le pouvoir légitimement des mains de son père (Procas), mais son frère, Amulius, ne l’entendit pas ainsi et le renversa pour régner à sa place. Amulius, non content de s’être emparé du pouvoir, chercha aussi à empêcher toute velléité de reconquérir le trône, en éliminant ses neveux (physiquement) et en isolant sa nièce, Rhéa Silvia, en en faisant une vestale. Les vestales étaient des prêtresses de Vesta, déesse du foyer, qui devaient, en dehors d’entretenir le feu sacré du temple de la déesse, rester vierges, sous peine d’être enterrées vivantes ou emmurées : cette dernière contrainte permettait de priver Rhéa Silvia d’une éventuelle descendance qui pourrait revendiquer le trône usurpé par Amulius. Ce qui devait arriver arriva... Rhéa Silvia tomba enceinte.
Rhéa Silvia fut ainsi jetée en prison (sort plutôt clément au regard de la règle) et ses enfants, à peine nés, confiés à des serviteurs dont la mission était de les éliminer. Ceux-ci, émus à la vue des jumeaux, se contentèrent de les abandonner dans un panier qu’ils déposèrent sur les eaux du (fleuve) Tibre. Il s’agissait bien sûr de Romulus et Rémus (Remus) que le destin ou leur père divin, Mars selon la légende (qui avait visité leur mère d’une façon ou d’une autre), aida en les faisant s‘échouer sur les rives du fleuve. Et c’est là qu’ils furent d’abord allaités pau une louve, puis découverts et recueillis par un berger, Faustulus. Celui-ci les éleva et les jumeaux grandirent en montrant de jour en jour des qualités de plus en plus remarquables. Il ne fit guère de doute qu’un destin exceptionnel les attendait, d’autant plus que le secret de leur naissance fut éventé.
Comment Faustulus avait-il compris la vérité à propos de ses protégés ? Toujours est-il qu’il révéla à Romulus les circonstances de leur découverte et ce qu’il savait du renversement de Numitor. Les jumeaux, accompagnés de leurs amis et d’anciens partisans de Numitor, reconquirent le pouvoir perdu par leur grand-père, rétablirent celui-ci sur son trône et tuèrent l’usurpateur. L’ordre des choses ayant été réinstauré, l’histoire aurait pu en rester là, mais la légende poursuivit son cours : ces exploits ne semblérent pas à la hauteur de leur destin. Ils décidèrent donc de fonder une ville à l’endroit-même où ce destin avait commencé à se montrer favorable. La mise en œuvre ne posa aucun problème, puisque la troupe des jeunes gens qui avaient suivi leur autorité naturelle et les avaient aidés à rétablir Numitor, pouvaient devenir d’abord des bâtisseurs, et ensuite constituer les habitants de cette nouvelle ville. Une seule question se posa : qui serait le fondateur en titre, et quel nom donnerait-il à la ville nouvellement construite ?
L’importance d’un nom n’est pas à démontrer ; celui-ci confère bien évidemment une existence officielle à une personne, un objet, un lieu en l’occurence ici. Dans l’Antiquité, on attribuait souvent à un héros (réel ou fictif) la fondation d’une ville ou d’une région à laquelle il donnait son nom, Lacédémon (Λακεδαίμων) à Lacédémone (autrement dit Sparte), Alexandre à Alexandrie (non seulement celle d’Égypte, mais aussi plusieurs autres portant ce nom). Il fallut donc choisir un fondateur et un nom, mais lequel des deux jumeaux ? Pour décider, les deux frères eurent recours à une pratique en usage à Rome, la prise d’auspices, qui permet de connaître la volonté des dieux en observant le vol des oiseaux. Le message délivré désigna sans surprise Romulus qui donna donc le nom de Rome à la ville dont il devint le seul fondateur en titre. Quant au jumeau non désigné, Rémus, il fut tué, soit par Romulus, soit dans une rixe opposant les partisans des deux frères.
Après tous ces détails sur l’accession au pouvoir du premier roi de Rome, voyons ce que nous savons de son règne.
(à suivre)