Omne tulit punctum, qui miscuit utile dulci
lectorem delectando pariterque monendo. (« Il a remporté tous les suffrages, celui a mêlé l’utile à l’agréable, en charmant tout en instruisant le lecteur. », Horace, Art poétique)
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Les Romains avaient un alphabet assez proche de l’alphabet occidental, puisque celui-ci en est dérivé ! Mais ils ne connaissaient pas le W ; en outre, à l’origine, ils n’avaient ni Y ni Z, lettres qu’ils ont ajoutées (à la fin de l’alphabet) pour écrire les mots grecs qu’ils utilisaient au quotidien ; enfin, ils n’avaient ni J ni U, lettres introduites au Moyen âge pour faciliter la lecture du latin. Les Romains avaient donc à l’origine 21 lettres à leur disposition qu’ils ont d’abord écrites en majuscules :
A B C D E F G H I K L M N O P Q R S T V X
Les majuscules étaient utilisées pour graver sur la pierre, les minuscules étaient plus pratiques pour rédiger sur un support plus souple (papyrus), et elles sont plus lisibles pour nous autres modernes !
a b c d e f g h i k l m n o p q r s t u x
On remarquera que V et u représentent la même lettre. Ainsi VRBS (la ville) est-il l’équivalent en majuscules de urbs, et VIA (la route) l’équivalent de uia, mais dans VRBS/urbs, V/u est une voyelle prononcée [u] (comme dans loup), alors que dans VIA/uia, V/u est une consonne prononcée [w] (comme dans oui), deux sons différents, mais proches. Mais, pour augmenter la lisibilité du latin, on a distingué les deux sons (voyelle et consonne) et créé une majuscule et une minuscule U et v pour les noter. Le même phénomène est à l’origine du J/j, puisque I et i notaient à la fois la voyelle [i] (comme dans lit) et la consonne [j] (comme dans yoyo), – exemples latins IAM/iam (déjà) ou IBI/ibi (ici).
Pour récapituler, les textes latins retranscrits aujourd’hui utilisent donc 25 lettres, mais certaines éditions universitaires n’adoptent ni U/v ni J/j.
Tout d’abord quelques mots sur les prononciations du latin. Il est évident que nous ne possédons aucun enregistrement des discours de Cicéron, donc nous ignorons tout de la façon dont il pronnonçait ses phrases–; de plus, cette prononciation a évolué (tout comme la langue elle-même) depuis les premiers siècles de la ville de Rome jusqu’à la chute de l’Empire romain d’Occident, en 476, de même que les Français du XXIe siècle ne parlent plus comme Rabelais–! La questions se pose de savoir comment prononcer le latin qu’on étudie... Faut-il le lire comme dans les chants religieux, ou comme dans les mots passés en français (quorum prononcé [kɔrɔm] ou [kwɔrɔm] – il est possible que l’affichage ne soit pas correct pour des raisons de compatibilités) ? Par tradition, on use d’une prononciation dite « restituée »qui pourrait correspondre à celle du premier siècle avant notre ère. La voici, après une règle d’or : en latin, toutes les lettres se prononcent :
J’ai indiqué, dans ce tableau comme ci-dessus, la prononciation selon l’Alphabet Phonétique International entre crochets [], mais il est possible que l’affichage ne soit pas correct pour des raisons d’encodage ou de police.
lettres | prononciation | exemple latin | équivalent français |
---|---|---|---|
A a | [a] | ad [ad] | la [la] |
B b | [b] | ibi [ibi] | bébé [bebe] |
C c | [k] | circa [kirka] (en latin, le c n’a jamais le son [s], comme dans céder [sede]). | café [kafe], cueillir [kœjiR]. |
D d | [d] | de [de] | dé [de] |
E e | [e] ou [ε] | bene [bene], per [pεr] | été [ete], mer [mεR] |
F f | [f] | fatum [fatum] | fée [fe] |
G g | [g] | gallus [gallus], gigno [gigno] (en latin, le g n’a jamais le son [ʒ], ni [ɲ], comme dans gêne [ʒεn] et agneau [aɲo]). | gare [gaR], gué [ge] |
H h | à peine aspiré | hic [ic] | les héros [lε.eRo] |
I i | [i] | ibi [ibi] | rite [Rit] |
J j | [j] | jam [jam] | yoga [joga] |
K k | [k] | kalendae [kalendae] | koala [koala] |
L l | [l] | lac [lac], vacillo [wacillo] (en latin, le ill n’a jamais le son [j], comme dans bailler [baje]). | lit [li] |
M m | [m] | me [me], computo [komputo] (en latin, le m se prononce toujours distinctement, jamais comme dans tomber [tõbe]). | mes [mε] |
N n | [n] | ne [ne], inter [intεr] (en latin, le n se prononce toujours distinctement, jamais comme dans monter [mõte]). | nez [ne] |
O o | [o] ou [ɔ] | amo [amo], mors [mɔrs] | mot [mot], mort [mɔR] |
P p | [p] | pater [patεr] | père [pεR] |
Q q | [k] | quo [kwo] (en latin, q est toujours suivi de u, l’ensemble ne se prononce jamais [k], comme dans quel [kεl].) | quartz [kwaRts] |
R r | [r] | res [rεs] (en latin, le r était, semble-t-il, roulé comme en italien ; il est plus simple de le prononcer à la française). | rat [Ra] |
S s | [s] | spes [spεs], rosa [rosa] (en latin, le s n’a jamais le son [z]) | hausse [os], sel [sεl], cité [site] |
T t | [t] | talis [talis], ratio [ratio] (en latin, le t n’a jamais le son [s] devant i, comme dans partiel [paRsjεl]). | tôt [to] |
U u | [u] | num [num] (il s’agit de la voyelle). | tout [tu] |
V v | [w] | via [wia] (il s’agit de la consonne). | ouate [wat], week-end [wikεnd] |
X x | [ks] | ex [εks], exigo [εksigo] (en latin, le x n’a jamais le son [gz], comme dans exercice [egzεRsis]). | axe [aks], excès [εksε] |
Y y | [y] | lyra [lyra] (en latin, le y n’a jamais le son [i], comme dans hymne [imn]). | lutte [lyt] |
Z z | [z] | zona [zona] | zèbre [zεbR], raser [Raze] |
Voici quelques remarques complémentaires sur les digrammes (ou groupes de deux lettres) utilisés en latin) :
Je n’ai pour l’instant pas évoqué deux autres faits de prononciation du latin, parce qu’ils n’étaient pas inscrits dans l’écriture (malgré quelques tentatives pour noter des voyelles longues).
Le premier concerne la longueur des voyelles (je ne parle pas ici de la longueur des syllabes) : en effet, le latin distinguait comme d’autres langues (l’anglais par exemple) les voyelles brèves et les voyelles longues, celles-ci ayant une durée plus importante. Ainsi un a long était différent d’un a bref ; on note parfois conventionnellement ă la première et ā la seconde, cette cupule ˘ et ce macron ˉ pouvant surmonter toutes les voyelles, mais cette notation n’est pas latine, et n’est utile que pour les latinistes (il peut être important de distinguer un nominatif d’un ablatif singulier de la première déclinaison, par exemple). Les dictionnaires indiquent la quantité des voyelles que les règles ne permettent pas de trouver, mais il n’est pas indispensable de la connaître, en dehors de certains faits grammaticaux, comme celui cité ci-dessus, ou bien, autre exemple, la différence entre un présent vĕnit et un parfait vēnit. Je l’indiquerai, si cela se révèle nécessaire ; quant aux règles sur la quantité des voyelles et des syllabes, elles se trouvent sur la page consacrée à la scansion.
Deuxième point, l’accentuation. Le latin possédait un accent tonique qui permettait de mettre en évidence une syllable particulière dans la plupart des mots (la langue française accorde moins d’importance à cette accentuation que d’autres langues comme l’anglais ou l’italien, cet accent peu perceptible étant situé sur la syllabe finale d’un mot ou l’avant-dernière si la finale comprend un e muet). En voici donc les règles pour la langue latine :